top of page

La testostérone : indicateur qui assure le principe d’équité dans le sport de haut niveau ? > Les effets incertains de la testostérone sur le corps et les performances des athlètes

Les effets incertains de la testostérone sur le corps et les performances des athlètes

Notre étude de controverse nous a permis de nous rendre compte que le “consensus médical est scientifique” que mentionne l’IAAF concernant le lien entre testostérone et performance sportive est contestable. Au contraire, ce sujet divise la communauté scientifique. La pertinence du critère de la testostérone est fortement contestée par l’Association médicale mondiale

​

Tout d’abord, ce lien entre testostérone et athlètes hyperandrogènes amène à questionner la sensibilité à la testostérone endogène. En effet, de nombreuses situations biologiques donnent des résultats contradictoires. Par exemple, comme l’évoquent Ferris et Ferguson Smith [47] en s’intéressant à la pertinence des tests de féminité, il existe des paradoxes entre sexe anatomique et chromosomique. Une femme XY apparait plus grande et en meilleur santé que la moyenne, ce qui crée un avantage dans le sport, pourtant elle peut posséder une dysgénésie gonadique et une insensibilité aux androgènes : dans ce cas, les différences de performance ne peuvent donc être dues à un taux plus important de testostérone puisque les récepteurs de cette hormone sont inactifs. La question de la pertinence de la testostérone en tant qu’indicateur se pose également en ce qui concerne les maladies génétiques. Ainsi, certaines tumeurs sécrétant des androgènes ou alors un déficit en 21 hydroxylase (hyperplasie congénitale des surrénales) sont des variations génétiques naturelles et il semble problématique qu’elles soient un motif de disqualification. Enfin, pour ce qui est du 46,XY DSD, il n’y a aucune preuve d’un avantage physique impactant la performance. La majorité des athlètes féminines avec un 46,XY DSD présentaient dans le cas de l’étude de Ferguson-Smith un AIS (syndrome d’insensibilité aux androgènes) qui rendait non fonctionnelle la testostérone [20]. La testostérone présente dans le sang de celles-ci ne pouvait donc pas agir sur leurs performances. Les auteurs en concluent que si la testostérone exogène permet d’augmenter la force et la masse musculaire chez les hommes, le lien entre testostérone endogène et ces dernières variables n’a été nullement établi chez les femmes. La testostérone sérique n’impacterait pas la performance sportive des femmes présentant un AIS. Cependant, les femmes AIS sont plus grandes que la moyenne (172,2 vs 162,2 cm) de la même façon que l’on constatera que les hommes XX,DSD, qui disposent d’un caryotype féminin ainsi que d’ovules mais qui développent des organes génitaux masculins, ont une taille inférieure à la moyenne masculine [20]

​

Certains chercheurs vont plus loin comme la chercheuse en bioéthique Katrina Karkazis et ses pairs dans l’article "Out of bonds ? A Critique of the New Policies on Hyperandrogénism in Elite Female Athletes" [21].  Dans ce dernier on peut lire que les liens entre testostérone et avantages athlétiques ne sont pas scientifiquement prouvés : des études cliniques montrent le lien entre cet androgène et l’augmentation de la taille musculaire, de la force et de l’endurance mais les réponses des individus sont variables (variabilité des récepteurs et de la sensibilité), ce qui ne permet pas d’assurer le lien de causalité entre haut taux de testostérone et meilleures performances sportives. Par ailleurs, aucune étude ne montre que les taux de testostérone pré-compétition prédisent la performance sur le terrain, et peu d’études des effets de la testostérone sur les femmes, les mécanismes d’action pourraient être différents entre les sexes. Selon Katrina Karkazis, il n’existe pas de motifs théoriques pour affirmer que ces athlètes ont atteint l’élite sportive grâce à des avantages concurrentiels liés à ces hauts taux d’androgènes. Certains auteurs suggèrent même que l’exercice intense et la musculation, l’entraînement sur la durée de ces sportives peut avoir modifié leurs sécrétions hormonales puisque l’exercice et l’entraînement physiques augmentent aussi de façon significative la production de testostérone.Par ailleurs certains médecins comme l'endocrinologue A. Rogol (auteur de "The Interconnected Histories of Endocrinology and Eligibility in Women’s Sport" [48]) regrettent le fait que l’IAAF ait basé ses conclusions sur des résultats scientifiques et non génétiques ou endocrinologue, ayant, de ce fait, des résultats partiellement éclairés.

 

Enfin, le seuil fixé à 5 nmol/L est également une source de désaccords au sein de la communauté médicale et scientifique. Les femmes ayant un taux de testostérone plus élevé que cette limite n’entre donc plus dans les catégories sportives féminines.

​

Selon l’endocrinologue Peter Sonksen, sur 660 olympiens, 5% des athlètes féminines présentaient un niveau “masculin” de testostérone et 6% des hommes un niveau “féminin”. Parfois, "la différence entre deux hommes peut être plus importante que celle entre un homme et une femme" rappelle Anaïs Bohuon [49]. Les repères traditionnels de la dualité sont brouillés quand des individus ne répondent pas aux critères de classification. Les contours de l’évidence d’une existence de deux sexes distincts se brouillent pour tendre vers une idée de continuum délimité par des seuils artificiels. 

 

Selon D. J. Handelsman, A. L. Hirschberg et S. Bermon dans "Circulating Testosterone as the Hormonal Basis of Sex Differences in Athletic Performance" [14], choisir un seuil à 5 nmol/L pour les catégories féminines permet de prendre en compte les femmes en bonne santé, y compris celles atteintes de SOPK (Syndrome des Ovaires Polykystique, qui est une maladie hormonale fréquente chez les femmes), et autorise les intersexuées/athlètes atteintes de DSD à conserver un taux supérieur à la moyenne mais sous réserve de ne pas dépasser ce seuil. Le cas échéant, les athlètes voulant tout de même concourir se verront dans l’obligation de prendre un traitement hormonal pour abaisser leur taux de testostérone. Ces traitements font l’objet d’un nouveau dissensus, notamment à cause des effets des anti-androgènes utilisés dans les traitements hormonaux : effets diurétiques, perturbation du métabolisme des glucides, maux de tête, fatigue, nausée, toxicité hépatique, etc.

Ancre 1
bottom of page